Qu’advient-il de nous lorsque les liens qui nous unissent, longtemps éprouvés, se dissolvent? Quand «il ne reste qu’une lande soumise / au brouillard, aux aléas des vents orageux, / que l’herbe, les montagnes, les fleuves / et les rochers perdent leur essence,» la poésie au souffle inébranlable de Marcel Labine s’élève, comme surgie d’en dehors du temps. Phrases disloquées, amples, entêtées, ces poèmes racontent de nombreuses facettes de la même dépossession: ne rien devoir à personne, ne faire aucune promesse, n’obéir qu’à soi-même, vivre détaché, indépendant, bâtard, sans ancêtres à louanger ni legs à préserver. Naître de ses œuvres, nier la mort, jubiler, «riche de l’admiration que l’on voue / à ceux qui ne regardent pas derrière eux». Et disparaître, sans faire de vagues, entre un requiem et un opéra, entre les hurlements du poète forcené et la cohue du métro.