Les premières versions de ce roman autobiographique ont été écrites sous l’influence de diverses drogues. Les dernières versions sont le fruit d’un travail fait à jeun. Loin de nous inviter à détecter les traces de l’intoxication, Julien Guy-Béland, par cet avertissement, souhaite surtout faire œuvre de transparence. Avec «Pas besoin d’ennemis», il place l’honnêteté au centre et ne craint pas d’exposer les moments où elle a fait défaut à ses personnages comme à lui-même. Composé de fragments dans une chronologie brisée, le livre s’intéresse à la consommation – de substances chimiques, de relations, d’idéologies. Il n’est donc pas surprenant qu’au terme d’une réflexion difficile sur la dépendance, le narrateur choisisse de remettre en question ses liens avec des personnes délétères qu’il a autrefois appelées des ami.es. Des personnes qui ont ignoré ses appels à l’aide, l’expression de plus en plus assumée de sa fluidité, ses exhortations à rejeter les codes sociaux toxiques qui minent notre rapport au monde. Ce récit de l’intime débouche naturellement sur le politique et écorche le système de santé, le monde du travail, le milieu de la musique, toutes instances qui, par une violence bien réelle, briment la liberté d’être soi. Cela, dans une écriture aussi sensible qu’impitoyable.